Les matériaux dits fortement corrélés possèdent des propriétés macroscopiques fascinantes : supraconductivité non-conventionnelle, magnétisme complexe (frustration magnétique, liquides de spin, ..) ou encore transitions de phase inhabituelles. Ils possèdent un énorme potentiel pour des applications technologiques futures. Cependant, ils font toujours l'objet de recherches intenses en physique de la matière condensée car leurs propriétés demeurent mal comprises, en particulier comment les fortes corrélations microscopiques entre électrons donnent lieu à l'emergence de ces phénomènes macroscopiques fascinants. Comprendre le rôle de larges fluctuations quantiques et des fortes corrélations associées dans le comportement des systèmes quantiques à plusieurs corps est un enjeu de la physique moderne.
Fortes corrélations quantiques dans un gaz ultra-froid d'atomes d'hélium-4
- Institut
- Institut d'Optique
- Laboratoire Charles Fabry, Gaz quantiques
L'équipe "Hélium sur réseau" a étudié l'émergence de fortes corrélations quantiques dans un ensemble de particles bosoniques, un gaz ultra-froid d'atomes d'hélium-4 [1]. Ces travaux s'appuient sur des mesures précédentes [2] qui ont révélé un mécanisme microscopique de paire entre atomes dans un régime de faible interaction. Ici, les membres de l'équipe, en collaboration avec le théoricien T. Roscilde (ENS Lyon), ont montré que ces paires sont détruites lorsque les interactions augmentent, au profit de l'apparition de clusters d'atomes corrélés avec 3, 4 ou plus d'atomes. Ces clusters (triplets, quadruplets, ...) plus larges que des paires sont caractéristiques du régime de fortes corrélations dans lequel les fluctuations sont larges et la statistique des états quantiques non-Gaussienne. Les observations réalisées au laboratoire Charles Fabry sont rendues possibles par la détection d'atomes d'hélium individuels à trois dimensions. La technique utilisée par l'équipe ``Helium sur réseau" [3] - une détection électronique de l'hélium métastable à l'aide de galettes à micro-canaux (MCP) - a été développé par l'équipe de A. Aspect, D. Boiron et C. Westbrook il y a une vingtaine d'années au LCF.
Ces nouveaux résultats illustrent comment un état fortement corrélé peut émerger dans un ensemble de bosons en interaction. Ils ouvrent la voie à des travaux futurs dans un régime d'interaction encore plus poussée entre bosons, par exemple proche d'une transition de phase vers un état isolant, et dans un ensemble de particles fermioniques (atomes d'hélium-3). Un article de vulgarisation décrivant ces résultats est récemment apparu [4].
[1] J.-P. Bureik, G. Hercé, M. Allemand, A. Tenart, T. Roscilde, D. Clément, Nature Physics, 1-6 (2025)
[2] A. Tenart, G. Hercé, J.-P. Bureik, A. Dareau, D. Clément, Nature Physics 17, 1364–1368 (2021)
[3] H. Cayla, C.Carcy, Q. Bouton, R. Chang, G. Carleo, M. Mancini, D. Clément, Phys. Rev. A 97 061609(R) (2018)
[4] D. Clément, T. Roscilde, Research Briefing (2025)